Le Parc National d’Ichkeul

C’est en 1980 que le lac et la montagne d’Ichkeul ont été inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, puis érigés en Parc National couvrant une superficie de 12 600 ha. C’est un haut lieu de la vie sauvage. Son vaste plan d’eau est le dernier vestige d’une chaîne de lacs d’eau douce qui s’étendait autrefois à travers l’Afrique du Nord.



Une montagne verte et solitaire émergeant dans un paysage de plaine, un vaste lac naturel dans un pays semi-aride… le Parc national d’Ichkeul offre un paysage fascinant et chargé de mystère.

C’est aussi un haut lieu de la vie sauvage. On y a recensé deux-cent vingt-neuf espèces animales et plus de cinq cents espèces végétales.

Mais s’il a mérité d’être inscrit sur de grandes listes internationales (Patrimoine mondial, Réserve de la biosphère, Convention de Ramsar), c’est surtout pour son plan d’eau, dernier vestige d’une chaîne de lacs d’eau douce qui s’étendait autrefois à travers l’Afrique du Nord.

Tantôt lac d’eau douce, tantôt lac salé en fonction des saisons, son écosystème exceptionnel en a fait un rendez-vous hivernal majeur pour les oiseaux migrateurs.


Ichkeul d’été

Aux premières caresses du printemps, le lac est un miroir. Des arbustes immergés en crèvent la surface.

L’eau douce atteint le pied de la montagne dont le vert intense tranche sur le bleu du ciel. De nombreux oiseaux d’eau, comme le héron pourpré, ont là leur résidence habituelle.

La blanche aigrette garzette, la farouche poule sultane construisent leur nid parmi les roseaux.

Aux beaux jours, des milliers de visiteurs viennent goûter le calme et la splendeur du mont Ichkeul.

Sur ses pentes s’étend un manteau verdoyant d’oliviers sauvages et de lentisques (arbustes méditerranéens cousins des pistachiers) où se dissimulent sangliers, chacals, renards et hérissons.

L’euphorbe arborescente forme des buissons vert clair. De splendides fleurs apparaissent, cyclamens, iris et diverses orchidées sauvages.

Les passereaux préparent leur nid, tandis que des rapaces survolent la montagne : aigle de Bonelli, vautour percnoptère, circaète Jean-le-Blanc.

Au fond d’une grotte où elle a élu domicile, une colonie de chauve-souris s’éveille.

Dans les marais environnants vivent plusieurs dizaines de buffles d’eau à l’état semi-sauvage ; un troupeau à l’origine très ancienne, renforcé par l’importation de spécimens en provenance d’Italie.

Puis au pied de la montagne, l’évaporation assèche peu à peu le lac. A mesure que le niveau baisse, des millions de mètres cubes d’eau salée s’y déversent en provenance du lac de Bizerte, un lac d’eau de mer auquel celui d’Ichkeul est relié par le petit oued Tinja.

L’évaporation aidant, la salinité peut alors dépasser celle de l’eau de mer.


Ichkeul d’hiver 

Avec les premières grandes pluies, les oueds provenant du massif des Mogods – une des régions les plus arrosées de Tunisie – déversent à présent dans le lac des millions de mètres cubes d’eau douce.

Au pied de la montagne s’étalent des eaux ocres, troubles, le fond constamment remué par les vents du Nord-Ouest.

Bientôt le lac d’Ichkeul déverse son trop-plein dans le lac de Bizerte par l’oued Tinja, dont le débit s’inverse. A la fin de l’hiver, le lac est un vaste plan d’eau douce.


Autrefois, le lac d’Ichkeul attirait, certains hivers, plus de trois cent mille canards et foulques, soit une densité cinq à sept fois supérieure à celle des plus célèbres sites d’hivernage du pourtour méditerranéen.

Une grande variété de foulques et de canards s’y rassemblait ; une affluence rendue possible par l’abondance du potamot, plante aquatique à haute valeur nutritive, dont le développement était favorisé par l’alternance eau douce-eau salée.

Quant aux marais, inondés chaque hiver, ils accueillaient plus de dix mille oies cendrées.


Mais cet écosystème était fragile, dans une région du monde où les mutations sont rapides et le climat capricieux. Au cours des années 1990, les équilibres ont été perturbés par une succession de fortes sécheresses, et par la construction de plusieurs retenues d’eau en amont.

La trop forte salinité a fait régresser le potamot, les marais se sont asséchés ; les célèbres oiseaux d’Ichkeul ont dû rechercher d’autres lieux d’hivernage.

Le site a été placé pendant dix ans sur la Liste du patrimoine mondial en péril, avant d’en être retiré en 2006.


Car cette région du Nord dispose désormais d’un réseau sophistiqué de barrages qui communiquent entre eux, et restituent les années sèches l’excédent des années pluvieuses. Les besoins du lac, évalués précisément par un modèle mathématique, sont aujourd’hui pris en compte dans la gestion de ces barrages.

L’avenir dira si les oies cendrées et les canards sauvages retrouveront le chemin du Parc dont ils ont fait la célébrité.

Centres d’intérêt :

A son niveau le plus haut, le lac couvre une superficie de 8 500 hectares. En été, sa profondeur diminue à moins d’un mètre. La montagne culmine à 511 m.

Des sources thermales à 42°C, exploitées depuis l’époque romaine, alimentaient récemment encore des hammams, qui faisaient l’objet d’un pèlerinage chaque printemps.

Des carrières de marbre aujourd’hui inexploitées ont entamé les flancs du mont Ichkeul, un massif dolomitique percé de plusieurs grottes. De belles demeures de la médina de Tunis sont parées de ce marbre.

Plusieurs dizaines de buffles d’eau vivent dans les marais. Aujourd’hui semi-domestiques, ils seraient issus d’animaux sauvages qui peuplaient la région dans l’Antiquité, et de plusieurs importations de buffles d’Italie au cours des siècles récents. Ils constituaient autrefois un gibier – le parc a été une réserve de chasse royale du XIIIe au XIXe siècle.



En été, de nombreux oiseaux nichent dans la montagne : le merle bleu, le gobe-mouches, l’agrobate ; la rubiette de Moussier, qui ne vit qu’en Afrique du Nord ; ou encore certaines variétés d’hirondelles. En hiver, le rouge-gorge, la fauvette à tête noire, l’étourneau sansonnet et la grive musicienne viennent picorer les fruits des oliviers sauvages.

L’élevage de bovins, ovins et caprins assure la subsistance de quelques habitants qui occupent des douars sur la montagne.

© G. Mansour, “Tunisie, patrimoine universel”, Dad Editions, 2016

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